Toute dépression a comme origine un problème social. Ceci se vérifie par la verbalisation des patients : depuis le décès d’untel, je déprime. Depuis mon changement de travail, je ne trouve plus goût à rien. Ou encore, la vie n’a pas d’importance, si ça en avait, je ne me serais pas retrouvé dans un orphelinat.
Cette vision des choses permet de s’attaquer au problème clé : ce qui nous vitalise est l’interaction que l’on a avec les autres. Un sculpteur s’épanouira dans l’interaction qu’il aura avec la pierre. Un artiste par sa prestation et la réaction du public…
On ne vit que dans l’interaction et si les êtres unicellulaires ont pu vivre aussi longtemps sur cette planète, c’est grâce à la communication et la coopération qu’ils ont développée avec leur pair (il suffit d’observer un échantillon de notre peau pour constater que si tout fonctionne aussi bien, c’est parce que chaque cellule coopère avec sa voisine).
Ainsi la TIP vise à recréer du lien social pour redonner goût à la vie.
Les liens sociaux se façonnent de la façon suivante (modèle de Knapp ci-dessous) :
- De la rencontre se crée une découverte de l’autre qui aboutit à un accordage ou non.
- Si accordage il y a, alors les moments ensembles vont se multiplier, créant une intégration progressive de cette personne dans notre vie.
- Ceci peut amener à la création de projets en commun (engagement).
- La suite de projets entraînera un maintien de la relation.
Dans le cas où la relation dysfonctionne :
Une différenciation entre soi et l’autre apparaît. On ne se reconnait plus dans cette relation. Ceci va réduire les échanges (limitation), amenant à une stagnation et peut-être un évitement progressif de l’autre, amenant la fin de la relation.
La vie étant régie par la loi d’impermanence : tout change constamment. Les situations ne restent jamais identiques et fluctuent à chaque rencontre. Comme le disait Héraclite : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » Et il en est de même pour les relations sociales. Notre façon de percevoir et la situation fluctuent à chaque instant. Ceci pouvant créer des conflits, des changements de situations (transition de rôle), un isolement ressenti (isolement qualitatif) ou réel (quantitatif), ou le départ d’une personne chère (deuil). Ces 5 cas de figure sont pris en charge par la TIP en axant sa prise en charge sur ce qui dysfonctionne. La plupart du temps, les dysfonctionnements sont récurrents et ciblés à des phases clés de la relation. Voici un bref aperçu :
Le but de la TIP sera de permettre au client de recréer des relations sociales saines qui lui permettent de s’épanouir. Pour ce faire, un outil : la clarification des envies :
Règles : | Besoins : | Attentes : | Disponibilités : |
Identifier les règles de vie que l’on veut respecter. | Identifier les besoins que l’on veut assouvir. | Identifier ce que l’on veut concrètement pour que ce besoin soit assouvi. | Observer nos relations et voir si quelqu’un est disponible pour réaliser notre souhait. |
Ex : La réussite professionnelle est ma priorité. | Avoir un emploi où je m’épanouis et suis reconnu. | Échanges cordiaux avec les collègues. | Patrick & Pascal sont disponibles et cordiaux pour échanger avec moi |
Suite à cette clarification, le patient s’engage à développer des liens sains en rapport avec ses règles de vie. Ainsi il crée des relations sociales en rapport avec ce qu’il souhaite (pour plus de détails pour développer cela, lire l’article : ACT).
Le deuxième point important à travailler en TIP est la qualité des liens. Bon nombre de personnes ont pu avoir des soucis familiaux créant des schémas de comportement inadapté (pour plus de détails, voir mon article sur le sujet : thérapie des schémas). Ceux-ci façonnent notre façon de nous attacher aux autres. Les deux grandes possibilités de comportements inadaptés interviennent dans les familles où l’enfant ne s’est pas senti en sécurité (inattention envers l’enfant, manque de réassurance de l’enfant…). Ces comportements peuvent créer :
- L’attachement insécure évitant: La personne évite les relations sociales, car elle manque de confiance en elle et a multiplié les expériences négatives.
- L’attachement insécure ambivalent : la personne a manqué de présence familiale ou était soumise à des informations contradictoires (ex : Je te tape pour ton bien), ce qui a inhibé la compréhension globale du fonctionnement des interactions sociales.
Dans ces deux cas, le thérapeute réapprendra au patient les codes des relations sociales. Pour ce faire, deux outils :
- L’analyse réplique par réplique: cet exercice vise à reprendre les phrases échangées avec un tiers pour en comprendre le besoin sous-jacent et ainsi proposer une formulation plus commode pour la compréhension et l’acceptation inconditionnelle de chacun.
Ex : « Je m’occupe toujours des enfants ».
Quels sont les besoins sous-tendus par cette phrase ? « J’aimerais que mon mari m’aide dans cette tâche afin que je puisse souffler de temps en temps. »
Ainsi vous souhaitez avoir plus de temps pour vous reposer ? « Oui, c’est cela ! »
Pourriez-vous le formuler de la sorte : « Je suis fatigué, est-il possible pour toi de t’occuper des enfants pendant que je fais la sieste. » Si la personne accepte de reformuler de cette façon, demande à ce que ce soit fait les prochaines fois. (Ceci est un exemple, les formulations sont souvent plus complexes, comprenant tous les tenants et les aboutissants de la situation).
- Le Jeu de rôle: Le thérapeute joue le patient & le patient l’interlocuteur. Chacun essaye de comprendre au mieux ses besoins dans une situation donnée et de les exprimer, le plus intelligiblement possible.
Ainsi le patient apprend à échanger correctement avec son entourage et favorise des rencontres épanouissantes par rapport à ses besoins.
Afin de favoriser l’adhésion du patient aux reformulations, chaque exercice se coconstruit avec le patient. Ce n’est pas le thérapeute qui impose une formulation. Dans le cas, d’emportement émotionnel qui entraîne des soucis émotionnels, une gestion de l’émotion est proposée.
Les recherches scientifiques montrent que la TIP est la thérapie avec les meilleurs résultats sur la pathologie dépressive (Barth & al, 2013).
Pour aller plus loin, je vous invite à lire :
Pratique de la TIP, thérapie interpersonnelle de Nicolas Neveux. Ed : DUNOD
Et à voir ma vidéo sur le sujet: